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Quand j’étais jeune, pas trop con, et nationaliste révolutionnaire

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Autorisée par la Préfecture de Police de Paris, la manifestation devait nous mener, depuis le parvis de la faculté d’Assas, jusqu’aux Lions de la place Denfert-Rochereau. Un rassemblement en forme d’ultime baroud d’honneur contre la loi Gayssot, triste loi scélérate qui serait adoptée quelques jours plus tard.

C’était la fin du mois de juin 1990, je venais d’avoir dix-huit ans mais j’entonnais plus volontiers le chant des Lansquenets que la chansonnette de Dalida. Point de web ou de SMS, mais les pages perso du serveur minitel 3615 Chez moi, feuilles de chou numériques de l’intifada des peuples européens à laquelle j’aspirais avec mes camarades. Les plus jeunes d’entre nous constituaient la Jeune Garde, dont j’étais. Nous étions nationalistes révolutionnaires, héritiers de François Duprat, Proudhon, Sorel, George Rémi, Drieu La Rochelle, Marinetti… Et d’autres encore, bien sûr, qui avaient insufflé cette Troisième Voie dont nous avions fait notre nom, notre ligne de force.

Rendez-vous était donné, en amont du départ de la manif, à la Librairie Française, sise rue de l’Abbé-Grégoire, à seulement quelques jets de pierres gazaouites de la rue d’Assas. Assis entre une Winchester (pour rester cordial) et une pile d’ouvrages aux belles couvertures des éditions du Trident, notre chef, Jean-Gilles Malliarakis, surnommé «Mallia» pour faire plus court, ou parfois aussi «Duce», parce que le mot est doux et parce que l’Italie est aussi un joli pays.

Sous la petite chaleur rampante de ce samedi de juin, l’effervescence était bien réelle dans la librairie. Les camarades des sections régionales avaient fait le déplacement. La joie des retrouvailles, mêlée à l’excitation de fouler le pavé, poing dressé, nous avaient transporté dans une sorte d’irréalité, dont nous sommes sortis, soudain, brutalement extirpés par la mauvaise augure.

L’un des nôtres, arrivé par les jardins du Luxembourg, nous signalait la présence, sur le lieu de départ de la manifestation et dans ses alentours, d’une petite centaine d’énergumènes qui, de près comme de loin, ne ressemblaient pas du tout à des nationalistes révolutionnaires.

La communauté organisée dont on n’avait, à l’époque, déjà pas le droit de dire le nom, entendait nous interdire ce que la Préfecture, en premier lieu, avait autorisé. Notre bonne humeur venait instantanément de disparaître. Contactée, la Préfecture répondit qu’elle n’était plus en mesure, au vu des conditions, de garantir la sécurité de la manifestation, et que cette dernière était donc tout simplement annulée. «Rentrez chez vous et fermez votre gueule», nous disait-on avec d’autres mots aux mêmes effets.

Des camarades partis en reconnaissance ont permis de dresser un plan plus fiable de la situation. La centaine de perturbateurs s’était regroupée devant la faculté d’Assas, soigneusement entourée par les Compagnies républicaines de sécurité… Tout le personnel policier affecté au bon maintien de l’ordre pendant la manifestation, se retrouvait d’un seul coup au service de la protection du Tagar, branche étudiante du Betar (59, bd de Strasbourg, Paris Xe), alors animée à Paris par Moshe Cohen, ancien sous-lieutenant de l’armée israélienne. Pour grossir leurs rangs, les nervis sionistes avaient également réquisitionné quelques guignols de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France).

«On va aller voir, et puis s’il le faut, on les chargera, quitte à ce que je renonce à ma carrière de démocrate», annonça Mallia avec un sourire carnassier. Nous étions une bonne trentaine et ils étaient une centaine, de surcroît protégés par la maréchaussée, qu’importe !

Arrivé rue Vavin, le J9 déversa un premier groupe de camarades, vite rejoints par les autres. Le matériel de la manifestation, banderoles, oriflammes et pancartes, n’allait pas servir à grand-chose. Mais une pancarte agrafée sur un manche à balais peut vite se transformer en bâton…

En nous approchant de l’intersection entre la rue Vavin et la rue d’Assas, un seul slogan s’impose : «Paris, Gaza, même combat !»… Notre groupe, compact et tonitruant, se rapproche et se heurte aux barrières installées pour nous interdire tout mètre supplémentaire. Les sionistes, on ne les voit même pas, tant la haie de protection des CRS est imposante. Tout au plus peut-on apercevoir les torchons blancs et bleus qu’ils agitent en l’air. On ne les entend pas mieux, et quand de leurs torses souffreteux ils s’égosillent à répéter «Israël vivra !», nous clarifions le propos en leur assénant «Sionistes assassins ! Américains complices !».

La confrontation dura une petite heure, le temps de faire coucou au cameraman des RG (Renseignements généraux), et de dire notre colère, saine et juste. Le temps aussi de témoigner de notre plus profond mépris au petit commissaire en charge de la supervision de la manif, venu auprès de nous faire semblant de s’excuser. Il accepta sans broncher tous les qualificatifs peu glorieux que nous lui attribuions, démontrant de fait que la tournure prise par les événements avait été pensée et planifiée.

À ceux qui ne m’aiment pas, je réponds que je ne les aime pas non plus, et j’ajoute que je leur pisse à la raie.

Cet article adresse un clin d’œil fraternel et amical à un autre article, intitulé « Quand j’étais jeune, con, et de droite », écrit par Pierre Robin et publié dans le mensuel Révolution Européenne en 1991. 


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